Edith

Je frappe à la porte et j’entre.
Un monsieur me sourit, je me présente  à lui. Il semble surpris que des personnes donnent  leur temps pour  visiter des malades. Il m’invite à m’asseoir.
Son regard s’illumine quand il me raconte sa vie professionnelle, sa famille, sa maladie.

La mort ne l’effraie pas, la parole le libère.  Vous avez vu, me dit-il soudain, interrompant son récit, il me manque des dents, le bridge que m’a fait mon dentiste était mal adapté.  J’ai voulu lui téléphoner mais j’ai appris qu’il était mort !! Et moi de dire : « il est mort ! »

A cette remarque, nous riions tous les deux mais il est pris d’un tel fou rire que j’ai peur qu’il perde sa respiration.

Je sors de  la chambre afin qu’il se reprenne mais lorsque je reviens, à peine a-t-il aperçu mon visage qu’il se remet à rire : « comme je vous remercie, me dit-il, je n’ai pas ri comme cela depuis des années. Ça me fait du bien ! » Je le quitte en lui promettant de revenir la semaine prochaine.

Le mercredi suivant, sa fille est à ses côtés : « c’est vous qui faites rire mon papa ? Comme il est content, je vous remercie infiniment, et je suis très contente de vous rencontrer. »

Je le visite pendant plusieurs mois, je sais qu’il va mourir.

Je rentre dans la chambre, il est inconscient. Assise au bout du lit je le regarde et lui parle, de temps en temps les sourcils bougent, m’entend-il vraiment ?  Je reste près de lui un bon moment, sa femme et sa fille arrivent. Elles sont heureuses que je sois près de lui, elles me demandent depuis combien de temps je le veille, elles me remercient chaleureusement, nous nous embrassons, je sors  tristement mais très heureuse d’avoir fait une si belle rencontre.

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